Consacrée aux asen, des autels portatifs en fer forgé provenant de l’ancien royaume du Danhomè, la nouvelle exposition du musée Barbier-Mueller aborde diverses thématiques importantes pour mieux cerner ces saisissantes sculptures, notamment la question de la main de l’artiste, des usages des asen, de l’histoire de ces objets d’art et de la manière dont ils nous ouvrent des portes pour comprendre l’histoire plus générale de leur région d’implantation, à savoir le sud de la République du Bénin.
Dans sa forme la plus simple, l’asen est une sorte d’autel portatif planté dans le sol de l’asenxo (la case aux asen), où sont commémorés et évoqués les défunts de la famille lors des cérémonies annuelles. C’est à cette occasion que l’asen est sorti. C’est devant lui que les vivants rencontrent les morts, leur parlent, les interrogent et leur offrent les sacrifices de propitiation. Sur beaucoup d’asen, dont quelques-uns de l’exposition, figurent un récipient en forme de gourde, ou calebasse. Les offrandes aux ancêtres y étaient déposées au moment où l’asen était planté en terre – un rituel qui renvoie à l’autre nom utilisé pour désigner l’asen dans cette région du sud de la République du Bénin et du Togo : sinuka (calebasse à boire l’eau, la calebasse étant le récipient rituel utilisé pour les libations aux ancêtres).
Dans la tradition régionale, les asen étaient également étroitement associés aux rites de guérison, de protection et de divination, ainsi qu’à la transmission du savoir entre le monde des esprits et le monde terrestre – dans les temples vodun, entre autres contextes. À mesure que la cour du Danhomè étendit son pouvoir, du XVIIe au XIXe siècle, cette fonction fut progressivement délaissée au profit d’un usage plus commémoratif réservé à la famille royale. À la cour d’Abomey, capitale du royaume fon du Danhomè, chaque roi et la femme le personnifiant après son décès avaient droit à leur propre asen. Les asen royaux étaient sortis au cours des « Coutumes annuelles ». Historiquement, ils étaient plantés en terre à l’extérieur des djeho (case des ancêtres) des rois défunts, initialement recouverts d’un tissu. Une fois celui-ci retiré, l’asen recevait les libations et d’autres offrandes, dont de l’igname, du maïs et des haricots, faites par les tantes paternelles, sur fond d’incantations ou de chansons.
La majorité des œuvres de la collection Barbier-Mueller présentées dans l’exposition proviennent de la ville côtière de Ouidah et datent essentiellement de la moitié/fin du XIXe siècle. Elles sont donc plus anciennes que les asen de la cour d’Abomey. Ceux-ci, détruits en nombre pendant la guerre coloniale française (1892-1894), furent remplacés de 1894 à 1900 par de nouvelles formes réalisées par la corporation des orfèvres et des forgerons de la cour – la famille Hountondji – sur commande du roi Agoli-Agbo.