Ils osèrent se confronter au mystérieux, partant à la découverte de zones qui, sur les cartes, portaient encore naguère l’inquiétante mention « Terra incognita » ou le dessin d’un Léviathan de cauchemar. Devenus presque mythiques, leurs voyages fondateurs furent consignés par écrit pour un public toujours avide d’horizons nouveaux, comme l’étaient déjà les lecteurs du Livre des Merveilles de Marco Polo. Qu’il s’agisse du capitaine James Cook sillonnant les eaux du Pacifique ou de Henry Morton Stanley s’enfonçant au cœur de l’Afrique, ces grands explorateurs découvrirent des civilisations et des formes d’art jusqu’alors inconnues du monde occidental. Au sein de l’exposition permanente de la Fondation Bodmer se trouvent donc associés les éditions originales de ces célèbres livres de voyage (A Voyage Towards the South Pole, and Round the World [1777] et How I Found Livingstone [1872]) et deux prêts du Musée Barbier-Mueller. Provenant des îles de la Société, une statue d’ancêtre en pierre volcanique écarquillait sans doute déjà ses yeux ronds démesurés, lorsque que le HMS Endeavour vint relâcher sur ces rivages. Quant à Stanley, il a pu croiser, partant en expédition depuis Zanzibar et la côte de Tanzanie, la statue funéraire zaramo également exposée, datant du XIXe siècle. Ce rapprochement inédit entre éditions originales occidentales et statues de peuples lointains illustre à merveille ce dialogue interculturel que Martin Bodmer, longtemps vice-président du CICR, a voulu matérialiser dans sa bibliothèque et ses collections.
Nicolas Ducimetière, vice-directeur de la Fondation Martin Bodmer