« Le moindre des enfants dira à la moindre des femmes : « Je suis un serpent comme toi », et le serpent : « Viens dans ma croissance, voici mon père et ma mère ». Le Soleil singe lève ses pattes à l’horizon.
Le moindre des chiens dira au moindre des enfants : « Je suis un scorpion comme toi », et c’est le scorpion lui-même qui lui répondra: « Viens avec moi dans ma fidélité de scorpion ; voici mon nom ». Des femmes passent en pleurant… »
Extrait d’un poème en prose de Michel Butor tiré de Un jour nous construirons les pyramides, mobilier funéraire prédynastique et pharaonique, 1990, p. 86.
Cette palette d’apparat, scutiforme ou dite « en forme de feuille de laurier », est décorée de deux têtes d’oiseau, dont les yeux sont rehaussés par l’incrustation de disques de calcaire. Quant au corps des volatiles, il est exprimé par le plumage stylisé qui les sépare.
Il est à noter, ici, qu’une des têtes a été restaurée. Au-dessous du trou central de suspension se développe un décor exceptionnel, travaillé en relief levé. La scène reproduit deux oiseaux affrontés, probablement des faucons, disposés sur un arbuste vers lequel convergent un sloughi et un serpent. Le traitement des yeux de ces animaux paraît avoir été volontairement accentué par l’artiste, qui apporte ainsi beaucoup de vie et de cohésion à un tableau dont le thème demeure sommairement esquissé. Le sujet annonce celui de la chasse qui deviendra fréquent sur les grandes palettes d’apparat, à l’aube du Prédynastique récent.
Toutefois, les exemples de palettes scutiformes décorées sont rares. Seuls deux spécimens soutiennent la comparaison. Le plus ancien, de l’époque amratienne (Nagada I), conserve l’image de mollusques céphalopodes accompagnés d’une laitue, symboles archaïques du culte de Min (British Museum, palette BM 35501). Le second exemplaire est conservé à Manchester (inv. 5476). Sa décoration, en relief, montre trois volatiles, peut-être des autruches, conduits par un homme nu, tenant un bâton. Le contexte archéologique de cette découverte invite à dater cette palette de l’époque de Nagada III (Gerzéen récent).
Il apparaît, en revanche, que la palette de la collection Barbier-Mueller pourrait être légèrement plus ancienne et correspondre à une époque proche de la fin de Nagada II.
Le Dr Michel Valloggia a consacré une notice à cette palette dans le catalogue Le profane et le divin, Arts de l’Antiquité, Fleurons du musée Barbier-Mueller, 2008, p. 493.
Voir aussi le livre de Jean-Louis Zimmermann : Art antique des les collections du Musée Barbier-Mueller, 1991