« Ils réclamaient de moi l’amalgame d’atomes qui nous sert de support aux fureurs du désir, le cheval galopant dans les charnels royaumes que montent tour à tour les cavaliers fantômes… »
Marguerite Yourcenar
Les figures de cavalier sont communes dans l’art sénoufo, que ce soit dans la sculpture sur bois ou la fonte de laiton. Ils représentent un génie de la brousse, mandeo (pluriel : mandebele) ou tugu (pluriel : tugubele), sur son coursier, et étaient généralement destinés aux autels personnels ou à ceux utilisés par le devin. Personnage important, ce dernier possédait tout un attirail d’objets, dont ces petits « bronzes », en réalité des fontes de laiton encore confectionnées et vendues aujourd’hui pour un usage traditionnel sur de nombreux marchés villageois sénoufo. On trouve également des fontes en aluminium.
Bien qu’il ne soit pas indigène, le cheval est un animal familier aux Sénoufo depuis des siècles. Il était associé à la vitesse, à la rapidité et au prestige, mais aussi à la violence et au désordre, ayant été utilisé à l’époque coloniale par les guerriers et les voleurs d’esclaves dont les Sénoufo étaient victimes. Son apparition comme monture des génies de la brousse reflète peut-être cette nature ambivalente, potentiellement bonne ou néfaste, qu’il fallait calmer et apaiser.
Cet objet a été publié dans le catalogue Arts de la Côte d’Ivoire dans les collection du musée Barbier-Mueller, 1993, p. 41.