Animés par une ardente curiosité et dotés d’un œil infaillible, Josef Mueller et son gendre Jean Paul Barbier-Mueller ont assemblé sur plus de 100 ans la plus importante collection en mains privées d’arts traditionnels d’Afrique, d’Asie, d’Océanie, d’Amérique précolombienne et de diverses civilisations antiques. En 1977, il y a quarante-sept ans, Monique et Jean Paul Barbier-Mueller ont fondé à Genève un musée pour partager avec le public cette collection qui compte un grand nombre de chefs-d’œuvre incontournables.
Une collection familiale centenaire
Josef Mueller
Josef Mueller naît en 1887 dans une famille bourgeoise de Soleure (Solothurn), en Suisse alémanique. Rien ne le prédestine à devenir l’un des plus grands collectionneurs d’art de tous les temps. Orphelin de père et de mère à l’âge de six ans, il a la chance de pouvoir rendre de fréquentes visites aux parents d’un camarade de classe, amateurs de peinture moderne, grâce auxquels il découvre l’art.
En 1907, âgé de 20 ans, il consacre son revenu d’une année entière à l’achat d’une toile de Ferdinand Hodler. Très vite, il se rend à Paris où il rencontre le célèbre marchand Ambroise Vollard. Sur les conseils de celui-ci, il acquiert un tableau important et fameux de Cézanne, Le jardinier Vallier, peint en 1905, à l’extrême fin de vie du père de la peinture moderne. Josef Mueller constitue de manière rapide un ensemble qui comprend déjà en 1918 plusieurs toiles de Cézanne, de Matisse, de Renoir, sans compter les Picasso, les Braque et autant d’œuvres d’autres maîtres prestigieux.
La soif de nouveauté, le désir (formulé par Rimbaud) d’être « absolument modernes » conduit les artistes à explorer l’inconnu. Les Fauves (Derain, Vlaminck, Matisse) comprennent les premiers que les « fétiches » africains, dont l’apparente grossièreté est jusqu’alors tournée en dérision, trouvent leur place parmi les œuvres d’art les plus célèbres.
Dans les années 1920, d’autres artistes et collectionneurs découvrent avec bonheur l’ingénuité et l’honnêteté de la démarche des artistes non-occidentaux. Ignorant « l’art pour l’art », ces derniers ne produisent leurs œuvres ni pour s’exprimer personnellement ni pour plaire à un public de connaisseurs, mais parce qu’elles s’avèrent nécessaires dans le cadre de croyances magico-religieuses où domine le souci de maintenir en équilibre les forces contradictoires qui s’affrontent autour des communautés humaines.
En 1935 le Museum of Modern Art de New York organise une grande exposition intitulée « African Negro Art ». Les œuvres appartiennent toutes à des Européens, dont le poète Tristan Tzara, possesseur d’un magnifique masque kwele du Gabon que le Musée Barbier-Mueller acquerra en 1988.
Josef Mueller ne prête rien pour cette exposition. Il est en effet rare qu’il se mêle à une manifestation publique. Il se serait certainement refusé à donner une conférence ou à expliquer les raisons qui le poussent à accumuler tant de trésors. Cependant, en 1957, à l’âge de soixante-dix ans, il décide d’exposer sa collection d’art africain dans le musée de sa ville natale de Soleure, où il est revenu s’établir après la guerre.
Jean Paul Barbier-Mueller
En 1952, Jean Paul Barbier se fiance avec la fille de Josef Mueller, Monique, qu’il épouse en 1955. Jean Paul Barbier découvre chez Josef Mueller les arts non-occidentaux. Lui-même collectionneur d’éditions originales de livres de la Renaissance, d’objets antiques et des Steppes, il se met activement à réunir ses propres ensembles. Tandis que Josef Mueller continue à enrichir sa collection d’art africain, Jean Paul Barbier-Mueller se concentre davantage sur les arts d’Océanie et d’Insulinde.
Historien et amateur d’art, Jean Paul Barbier comprend que son beau-père soit agacé que les œuvres d’art appelées « primitives » soient si peu estimées, par rapport aux tableaux dont on lui fait tant de compliments. Probablement est-ce ce jour-là que naît l’idée d’un véritable musée permanent d’art primitif, fondé vingt ans plus tard, à Genève, où se sont fixés Monique et Jean Paul Barbier-Mueller.
1977
Le musée Barbier-Mueller ouvre ses portes en mai 1977 à Genève, trois mois après le décès de Josef Müller. De très nombreux amis de la famille, amateurs d’art et connaisseurs venus du monde entier s’associent à l’événement. Ils se regroupent bientôt en Association des amis du musée, laquelle compte aujourd’hui près d’un millier de membres.
Le Musée Barbier-Mueller de Genève
En fondant le musée Barbier-Mueller en 1977, Jean Paul Barbier-Mueller veut partager avec le public sa passion pour les arts traditionnels. Il déploie toute son énergie et consacre un temps et des sommes considérables pour que les collections du musée soient étudiées par les meilleurs spécialistes, qu’elles soient exposées et publiées. Il s’agit de faire connaître et d’encourager la reconnaissance des arts non-occidentaux, en Suisse mais aussi sur le plan international, avec des expositions itinérantes, des prêts dans divers musées à travers le monde et la fondation des musées Barbier-Mueller de Barcelone et du Cap.
Museu Barbier-Mueller d’art precolombí, Barcelone
Après avoir été présentées avec succès dans divers musées d’Espagne et du Portugal, les collections Barbier-Mueller d’art précolombien ont fait l’objet d’un prêt à long terme à la municipalité de Barcelone en 1997. Jusqu’en 2013, elles seront exposées au Museu Barbier-Mueller d’art precolombí, installé dans un palais mis à disposition par la municipalité de Barcelone et situé en face du musée Picasso.
Gold of Africa Barbier-Mueller Museum, Le Cap
En 2003, est inauguré le Gold of Africa Barbier-Mueller Museum au Cap où sont exposés des bijoux et parures d’or du Ghana, de la Côte d’Ivoire et du Mali géré par la société Anglogold. Ce musée a été ouvert au public pendant 10 ans.
Les richesses des collections Barbier-Mueller ont permis au musée éponyme d’organiser plus de quatre-vingt-dix expositions dans ses murs et près d’une centaine à travers le monde, en plus de quarante-cinq ans d’existence. La plupart d’entre elles sont nées d’une collaboration avec des chercheurs et d’autres se sont épanouies grâce au dialogue que poètes et artistes ont engagé avec les pièces du musée.